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“L'expression éblouie des grands commencements“




Le premier visa d'entrée du nouvel état a pour sa part été délivré à Haïfa, à un journaliste...

A Paris il avait affrété un avion privé et atterri à Haïfa moins de 48 heures après la proclamation de l'indépendance.

Laissons-lui la parole :


- Allô, allô ! Haïfa tower ?

Maintenant, nous étions à pic sur le rivage. Un essaim de souvenirs se levaient dans ma mémoire. Ils avaient plus de vingt ans... La Palestine des pionniers... Les kibboutz misérables. La malaria. Le dénuement...

(...)

- Allô, allô ! Haïfa tower ?

Ainsi prenait vie la chimère, le délire. Ainsi les rêveurs, les mystiques, les fous, avaient eu raison. En ce matin du 15 mai 1948, où nous survolions la côte de Palestine, allait revivre en sa terre retrouvée, le peuple de la Bible.

(...)

- Ordre de se poser à Haïfa, dit-il.

Je regardais mes compagnons de route et nous sentis tous liés par la même inquiétude. C'était à Tel Aviv que nous voulions atterrir. Tel Aviv appartenait entièrement aux Juifs. Dans Haïfa, zone d'embarquement pou rles troupes britanniques, que ferait-on de nous dont le visa anglais avait été refusé ?

- Insistez pour Tel-Aviv, demandais-je au pilote.

Il secoua la tête et dit:

- C'est formel ! C'est Haïfa et pas ailleurs.

Un homme brun, tout en nerfs, qui était assis derrière moi, gémit presque:

- Avoir attendu cela pendant deux mille ans et peut-être pour rien...


* *

*


Quand l'avion cessa de rouler sur la piste cimentée, trois garçons, en chemise et en short kaki, uniforme de tous les pays chauds, se dirigèrent vers nous.

- D'où venez-vous ? demanda brièvement leur chef.

Il parlait anglais, mais avec un accent.

L'homme brun tout en nerfs se mit à lui donner des explications, très vite, dans une langue aux syllabes singulières, et le visage de l'autre s'éclaira profondément. Et il répondit dans la même langue . Notre camarade de route, passant de l'hébreu au français, s'écria alors :

- Ce sont des Juifs ! Les anglais leur ont cédé ce matin le contrôle civil de l'aérodrome. Notre avion est le premier à toucher le sol de la Palestine libre, de l'État d'Israël, et nous sommes les premiers à y débarquer.


Les premiers ! Ces mots qu'il prononçait avec un frémissement religieux semblait inscrits tout autour de nous, sur les visages, dans les yeux,dans l'attitude des gens.Le premier contrôle, la première police, la première douane de l'État d'Israël. En uniforme ou en civil, tous ces hommes portaient sur eux la joie, la gravité, l'expression éblouie des grands commencements.


Leur émotion passa un peu en moi lorsqu'un garçon, jeune, roux et rude , apposa sur mon passeport, en caractères hébraïques et avec un timide et tendre sourire, le visa d'entrés de l'État millénaire qui venait de ressusciter et me dit :

- Vous avez de la chance ! C'est le visa n°1 de notre pays.

(...)



Ce journaliste, grand reporter (l'un des plus grand du XXè siècle), et poète avait pour nom Joseph Kessel et ce texte/ reportage est tiré de son livre "Terre d'amour et de feu, Israël 1926-1961".




 
 
 

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